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Fadhil al-Azzawi

1940 (Kirkuk, Irak)-

 

Poète, journaliste et romancier Fadhil al-Azzawi a joué un grand rôle dans l’innovation poétique irakienne des années 1960. Très actif dans le journalisme culturel, il fonde en 1969 la revue d’avant-garde irakienne Poésie 69 et participe à de nombreuses activités littéraires. Il prend en 1977 le chemin de l’exil et part pour l’Allemagne où il entame de nouvelles études qu’un doctorat sur l’évolution de la culture arabe analysée à partir du cas de l’Irak, viendra couronner. Son œuvre compte des romans, des essais et une douzaine de recueils de poésie dont L’arbre oriental (1975), Voyages (1976), Un homme jette des pierres dans un puits (1990) et Au bout de tous les voyages (1993). Sa poésie puise à l’expérience du surréalisme et des autres tendances de la modernité arabe et européenne. Expérimentale elle s’inscrit dans un registre fantastique et ne cesse de questionner la réalité arabe avec un lyrisme imagé et plein d’humour.

 

 

Poème auto-dévorant

 

Ils ne viennent ni dans les poèmes ni dans les mots du voyage

Ils ne viennent ni dans les poèmes ni dans les mots

Ils ne viennent ni dans les poèmes ni

Ils ne viennent ni dans les poèmes

Ils ne viennent ni dans

Ils ne viennent ni

Ils ne viennent

Ils ne

Ils

 

 

Le piège

 

Parfois traversant un fleuve

Nous nous voyons dans une autre époque

Parfois, fixant un miroir

Nous nous voyons dans la prison

Parfois harponnant une femme

Nous nous voyons dans l’exil

Parfois lisant des poèmes

Nous nous voyons dans la prose.

 

Savez-vous ce que nous devons faire ?

 

 

La cheminée

 

Une cheminée exhale de la fumée dans le vent

Parfois elle exhale des rêves,

De la tristesse

Elle exhale des traces d’hommes

Rapportant dans la chambre la parole des anciens

Elle exhale le silence d’une femme

Entre les bras d’un homme

Se rappelant la capitale de terreur

érigée dans le désert

Elle exhale nos souvenirs

 

Cette cheminée nous exhale jour après jour

Dans la nuit d’un autre ciel

Dans le vent.

 

 

Doigts

 

La répression se tient debout

Devant un arbre

Et tel un roi devant son peuple

Fait des signes de la main

à ses enfants

 

La répression va à l’histoire

Et lui rend ses faux billets

La répression pose sa main humide

Sur mon front

Et essuie mes larmes

Avec ses doigts.

 

 

Dieu et Satan

 

On parle dans le premier chapitre

De Satan désobéissant à Dieu

Dans le second

De Dieu chassant Satan du paradis

Dans le troisième

De la perplexité d’Adam

Dans le quatrième

Du déluge.

 

Enfin arrive le héros qui capture Satan

Et le bon Dieu règne sur le monde.

 

Alors de quoi parler ?

Dans le cinquième

Le sixième

Le septième

le huitième

Etc.

 

 

La porte

 

Une porte condamnée dans un champ abandonné

Des oiseaux blancs

Brillent sur une violette noire où le sang a coulé

– Quelles sortes de secrets peut garder une porte condamnée ?

– L’ouvrirai-je

L’enfant s’approche faisant fuir les oiseaux

– N’ouvre pas une porte condamnée

Peut-être venant du désert arabe

Vont surgir tes aïeux,

Une nuit éternelle,

Un soldat poignardé en plein cœur,

Ou encore un bourreau

Qui te tranchera la tête

Laisse cette porte de la nuit, mon enfant,

Laisse-la briller

Comme argent dans un champ abandonné,

Condamnée.

 

Rêves

 

Des fantômes s’assoient dans la prairie

Troquant rêves et quolibets

Des oiseaux de métal

Se perchent sur les branches

Et gazouillent pour l’histoire.

Ô rebelle ébloui, ne donne pas ton nom,

à ce qui n’a pas de nom

Ô conquérant, ne verse pas ton nom sur le sable !

 

Un mammouth noir pâture

Un cheval hume le cadavre d’un aviateur

Attaché à son parachute blanc

Un téléphone sonne dans une retraite

Je décroche bouleversé

Et converse avec moi même

à l’autre bout du fil

 

 (A. K. El Janabi et Mona Huerta)


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